8.2 Echanges

8.2 Echanges

Elle ne veut pas qu’il en soit ainsi. Alors, elle s’efforce de ravaler ses larmes et de rester droite et calme de façon à ce que sa voix, quand elle lui parle en retour, paraisse posée.

- Bonsoir.

- Je suis Maitre François. XX t’a dit.

- Oui.

- Oui, Monsieur. Finis tes phrases.

Les yeux baissés, elle répète :

- Oui, Monsieur.

Il fait un signe d’acquiescement puis les précède dans l’allée avant de s’effacer pour les laisser entrer. La pièce dans laquelle ils pénètrent et de belles dimensions. On dirait en fait la cuisine d’un grand chalet. Cette première pièce ouvre sur une seconde, plus vaste, où, elle le devine, devrait se dérouler le scénario mis au point par les deux hommes. Du mobilier, elle ne voit encore rien mais perçoit qu’il y a peu d’éclairage électrique et ça et là de nombreuses bougies ont été disposées. Sans doute leur hôte a-t-il voulu créer une atmosphère à la fois apaisante et décalée, un espace où les corps quand ils seront nus se nimberont de teintes orangées sans évoquer le rôle non négligeable que peut jouer la cire…

Elle se crispe de nouveau, les yeux rivés sur l’entrée du salon mais l’hôte voulant couper court à de nouveaux débordements propose de prendre un verre dans la cuisine dont l’aménagement comprend de vastes banquettes et une table basse. Nina escompte que XX se placera près d’elle, ce qu’il ne fait pas. Elle se retrouve donc isolée, les deux hommes lui faisant face sur des sièges séparés et tandis que Maitre François verse dans des verres à pied un vin blanc qu’il annonce excellent, elle essaie de l’observer tentant ainsi de retrouver son aplomb. L’homme a la jeune cinquantaine. De toute évidence, il s’entretient physiquement. Sans doute fait-il beaucoup de voile et du tennis. Le corps est mince et ferme et de belles proportions. Le visage aux traits fins révèle intelligence et sagacité. Elle n’est pas à même d’y desceller un goût certain pour la perversion mais d’emblée, elle devine qu’une observation plus approfondie, la lui ferait découvrir dans la soudaine fixité d’un regard ou la dureté d’un sourire. Comme ça, dans ses vêtements d’été, les cheveux blonds et longs retenus en arrière, avec sur son corps la marque du soleil, l’hôte inconnu semble juvénile et décontracté. Pourtant, elle le sent il est mature et déterminé.

- Le vin est bon ?

Elle s’efforce d’être naturelle.

- En effet, il est excellent.

- Afrique du sud. Tu n’es pas chauvine ?

- Pas du tout.

L’homme sourit finement.

- Détendue ?

- Je me sens mieux.

- Ah ? Tu sembles encore agitée. Ta pose, tes vêtements. Pourquoi remontes-tu ton col comme ça ?

Elle croise les jambes et protège son cou d’une main. La remarque lui est immédiatement intelligible de sorte qu’elle change de posture et libère ce qu’elle cachait. En laissant le col de l’imperméable s’ouvrir, elle laisse voir le collier. En écartant les jambes, elle admet qu’elle s’ouvre et s’offre.

- Tu as un collier, dis-moi.

Elle sursaute.

- Vous me tutoyez, vous ?

XX s’interpose.

- Nina !

L’hôte reste désinvolte et la fixe avec gravité.

- Tu es soumise, non ? Je me trompe ? Alors, oui, je tutoie.

De nouveau, elle est défaite, à la fois irritée par la façon dont il la traite et soucieuse pour XX  qu’elle dessert en se comportant ainsi. Toutefois, même si une fois encore, elle se reprend et admet qu’elle réagit par peur étant néophyte, elle ne se défend pas d’une violente antipathie pour le bel homme raffiné qui la toise malgré son apparente bonhommie. Et même quand le verre bu, elle s’avance avec lui dans l’autre pièce dont l’agencement pour la circonstance lui parait pensé avec intelligence, elle reste nouée. Pourtant, surenchérissant sur les éclairages adroits, les tapis placés au sol, les tables couvertes de cordes diverses et de colliers de taille et de matériaux variés, l’espace lui-même dessine une magnifique scène propice aux exercices, aux accouplements et aux punitions. C’est un vrai théâtre à la fois réel et mental et Irène reprenant le pas sur Nina comprend combien une femme soucieuse d’obéir ou incapable de ne pas le faire peut se trouver là terriblement humiliée et incroyablement comblée. Aux agencements des cordes, aux différents colliers, celle qui entre là doit trouver une signification concrète puisque son corps est assailli et ainsi contraint, à même de rencontrer qu’il le veuille ou non, une sexualité imposée autant qu’acceptée. Le rituel et la jouissance. La contrainte et la satisfaction. Et au-delà de tout, l’obligation de rencontrer un double regard.

XX voudrait cela. Mais elle, sortant vivement de la pièce, le refuse.

L’hôte hausse les épaules.

- Il me semble que « Nina » n’est pas d’accord ?

XX reste calme, ce qui la stupéfie.

- Ah ! Tu trouves ?

- Oui.

 - Mais, elle a du caractère !

- Ah oui, c’est sûr. A croire que…

- A croire que ?

- Que c’est elle qui domine…

- Non, non. Elle est débutante. C’est tôt pour elle.

Toujours abasourdie, elle le tente d’expliquer sa maladresse, dit regretter, veut se reprendre. Elle va se déshabiller. Elle est prête à le faire quand l’hôte élégant l’en empêche.

- Ce serait sous contrainte.

- Mais non !

- On arrête- là.

XX lui prend le bras et à la façon dont il la regarde, elle sent qu’ils doivent partir. Alors, elle cède.

Ils quittent les lieux sans qu’elle cherche à rencontrer l’autre regard, celui de l’homme qui n’est pas son Maitre. Lui, reste distant et légèrement ironique. Pour lui, il le laisse entendre, la soirée n’est pas finie. Seul le début en était peu agréable. Mais tout cela n’a aucune importance. Aucune.

Du reste, il les salue à peine et referme la porte de la grande villa.

Dans la voiture, Irène sanglote violemment.

XX temporise. Lui, il n’a rien à lui reprocher. Elle a voulu tenter une expérience difficile. Certes, il aurait voulu la voir nue devant un autre et à la fin de la séance, la prendre en même temps que lui. Mais c’est ainsi et, malgré tout, elle reste Nina.

Alors, elle s’apaise, ferme les yeux et somnole.

Quand il arrête la voiture dans un terrain vague et lui demande de descendre, elle est un peu décontenancée et le reste quand il la conduit par la main devant une portière arrière. Il lui retire son imperméable et la tient quelques instants par les bouts de sein puis, la faisant se retourner, il la fait grimper sur la banquette arrière et se tenir à quatre pattes, le cul bien présenté.

Elle entend le froissement de l’étoffe quand il baisse son pantalon et gémit à la pénétration, surprise qu’il soit à même de la prendre si vite. Puis, comme il va et vient en elle, ayant choisi cet orifice étroit qu’il se plait à élargir, elle geint de plus en plus fort tout en essayant de capter à travers la vitre l’éclat lointain des voitures qui vont et viennent sur la route voisine. Comme elle le sent très renflé en elle, elle s’ouvre autant qu’elle peut pour faciliter son plaisir et elle-même, dilatée qu’elle est par cette prise brutale.

Elle-même rencontre un plaisir vif.

Quand il est contenté, ils se rhabillent et au moment de lui dire au revoir, il se montre tendre. Il ne lui en veut de rien. Elle en doute mais néanmoins dort bien.

Les jours suivants, elle oublie Maitre François et la tentation qu’il a représentée. Reste le jeune homme autoritaire et ferme qui se révèle désormais autre. Il est avisé et affectueux.

Il est un guide.