Lundi 8 novembre 1 08 /11 /Nov 09:49

 

 

 

 

 

Catherine, Marianne,

Dora.

Trois femmes

 

Dora

 

Elle a vingt cinq ans et aime les objets anciens. C’est une passion pour elle. Elle aurait aimé des parents antiquaires qui lui donnent le goût des belles choses mais l’un et l’autre travaillent sur des marchés où ce qu’ils vendent est  sans rapport avec ses goûts. Elle ne leur en veut pas car ils se donnent du mal pour vendre de la bonne charcuterie et des plats préparés et leur clientèle s’agrandit. Il  y a une déférence certaine à avoir à l’égard de gens qui se donnent tant de mal, cela, Laure le sent.

Et puis, depuis quelques années, elle vit bien mieux. Le mariage de sa mère, mariage dont elle est issue, est défait depuis des années. C’est une chance, elle le sait et elle n’est pas dans l’erreur quand elle évoque des années cauchemardesques. Il est malaisé de vivre avec une femme droite et travailleuse que cherche sans cesse à abattre un homme railleur, complexé et sans emploi. Il en a bien eu plusieurs et ceci des années durant avant que ne s’installent les beuveries et la violence conjugale. Et puis, le travail s’en est allé et il est resté cet homme ne faisant rien à la maison sinon attendre le retour de son épouse et ceci, pour la harceler. Sans compter l’écolière que Mathilde était alors…Comment sa mère a –t’elle réussi à se débarrasser de ce mari veule et pesant, elle ne le sait pas vraiment.  Le divorce a été prononcé, aggravant les torts de l’époux et celui-ci, déterminé à ne rien honorer, a pris la fuite. Au fond, c’est un bienfait car il n’est plus là pour crier et se plaindre, pour les gifler aussi quelquefois.

Laure est contente que sa mère ait trouvé en Christian, un homme solide et volontaire ; certes, il ne pense qu’à son travail mais il est d’une honnêteté scrupuleuse. Les comptes sont les comptes et si Marie, la mère de Mathilde, est son employée –ce qui est le cas- il la paie avec justesse. C’est bien, c’est équitable. Et puis, on est content maintenant à la maison. Plus de cris ni de provocations. Sur la table du diner, de l’eau et le samedi, du vin et de la bière mais bu modérément. C’est comme ça. Aucun écart. Dans cette ambiance, tout est plus sain et Léo nait. C’est d’emblée un garçon rieur et charmant qu’elle adore ; le petit frère rêvé qu’on étreint et câline.

Au fil du temps, on vit mieux. Le sérieux de son beau-père et la gouaille de sa mère font mouche et de semaine en semaine sur les marchés où ils se font une excellente réputation. L’argent rentre : oh, certes, pas de grosses sommes mais assez pour vivre dans une petite maison dont le crédit n’est pas à terme, mais qu’ils équipent assez joliment. Laure s’entend assez bien avec son petit frère et pour plaire aux enfants, on adopte Tibère, un chat noir et Gudule, une petite chienne de race douteuse, retrouvée claudicante près de la maison. Et finalement, personne n’est malheureux.

Il reste cependant les études ratées de Laure et la nécessité de lui trouver un emploi. A seize ans, la scolarité n’est plus obligatoire.

Etant sans bagages, elle se plie à la volonté de Christian : elle doit faire un apprentissage. Celui-ci serait pour qu’elle prenne la voie de ses parents mais Laure, à l’habitude effacée et peu rebelle, n’est pas d’accord. Elle se voit mal sur les marchés, n’ayant pas leur abattage physique et moral. Et puis, elle n’est comme sa mère douée pour la cuisine ou comme son beau-père dont la formation de charcutier est solide. Elle, elle aime les choses artistiques, les beaux objets, les vieux tableaux. Elle aimerait apprendre à les chercher dans les campagnes, ces vieilleries qui mises en valeur, se vendent bien. Etonnés, Marie et Christian s’étonnent que cette jeune fille un peu gauche qui parle peu déploie soudain une argumentation nette et claire. Ils voient dans les yeux de Laure une détermination nouvelle et somme toute engageante. Le souci est d’être sûrs qu’on peut la croire car à cet âge là, on a des lubies. Et puis, en choisissant cette voie, elle pose à ses parents un double problème : il n’y a pas vraiment de filière pour apprendre ce métier. On devient brocanteur car on est débrouillards et connaisseurs mais les connaissances à avoir ne s’apprennent pas sur les bancs d’un centre de formation…Et puis, quand bien même ils accepteraient, reste le choix de la personne qui formerait Laure pour en faire ensuite son employée ou son associée et là, Marie et Christian butent sur leur manque de relation. Leur univers est un peu celui des forains. Ils connaissent pas mal de monde mais ce domaine là leur échappe.

Alors ?

Alors, ils commencent par tergiverser, disent oui puis non, ravis au fond que Laure semble au bout de quelques semaines, moins décidée. Elle a bien quelques pistes mais à peine commence t’elle à les suivre qu’on la décourage. En fin de compte, elle se met à douter et comme Marie lui demande si elle n’a vraiment pas une autre idée, elle dit qu’elle aime les fleurs et que fabriquer des bouquets pour les mariages lui plairait assez. Qu’à cela ne tienne, là, on peut l’aider. On trouve vite un fleuriste qui cherche une apprentie et Laure se partage bientôt entre les cours qu’elle doit suivre et les heures au magasin où elle apprend tout ce que doit savoir une marchande de fleurs. Comme le centre de formation est distant puisque situé dans une autre ville et que le train ou le bus offrent des horaires et des tarifs dissuasifs, on encourage Laure à passer son permis et on lui offre un scooter à défaut d’une voiture. Elle est assez petite, ronde et blonde et cela l’effraie un peu de voyager ainsi puisqu’à l’arrivée, il lui faut être présentable. Souhaitant vraiment y parvenir, elle arrive à l’avance et se recoiffe, se prépare pour être, face aux clients, une jeune vendeuse rayonnante et dynamique ; c’est cela qu’on veut d’elle. Alors, elle est ainsi. Consciencieuse, elle passe son diplôme et trouve un premier emploi. Il semble que ses rêves de brocante et de restauration d’objets anciens et de tableaux aient disparu en quelques années puisqu’elle n’y fait plus d’allusion. Elle a juste vingt ans. Elle n’est pas très jolie mais agréable et vivante. Elle est autonome puisqu’elle peut louer une chambre meublée accessible à son petit salaire ; Elle commence d’ailleurs par y inviter des amis avec lesquels elle parle longuement le samedi soir autour de plats simples et de tisane. Puis, l’assurance lui venant, elle décide d’avoir une vie amoureuse et sexuelle, celle-ci ayant été, jusque là, presque inexistante. Le premier amant vient sans qu’elle le trouve dangereux et c’est bien car la violence de son père et ses frasques amoureuses l’ont bien plus marquée qu’elle ne l’a avoué. Commence une brève liaison où Il s’avère que le plaisir sexuel est pour elle difficile. Elle, ce qu’elle veut, c’est câliner, entourer, écouter. Les caresses sur les seins, les baisers, la pénétration, elle les sait nécessaire mais pour elle, ce sont des actes pesants. Le jeune amant vite averti de sa réserve cherche à la faire changer ; voyant qu’elle est insensible, il la quitte. Triste les premiers temps, Laure se console vite car elle n’a plus ou à refuser et se justifier de le faire ou à accepter des étreintes qui la laissent insatisfaite et un peu apeurée.

Vient un deuxième amant, puis un troisième. Ils finissent par prendre le chemin du premier et laissent Laure à sa solitude. Celle-ci pour répondre à ses amies qui s’étonnent des fins brutales de ses liaisons, se compose un personnage de jeune fille détachée, autonome, à qui « on ne la fait ». Après tout, les trois garçons qu’elle a connus étaient étudiants donc plus privilégiés qu’elle mais sans salaire. Elle gagne peu mais s’en arrange et ne souhaite pas prendre en charge des jeunes gens qui dans quelques années seront bien plus nantis qu’elle.  Cette argumentation plait assez et on la croit, on l’estime même de ne pas être naïve. Et puis, elle a le temps car sa vie commence. Une des amies du groupe est déjà mariée et enceinte et cela leur procure une certaine inquiétude comme si le modèle de cette jeune femme déjà en couple et bientôt mère était à éviter. Une vie comme ça est tracée : à trente cinq ans, trois enfants, un mari qui gagne peu et des factures qui s’empilent. Rien de bien alléchant…Elles, elles veulent s’amuser. Et elles le font pendant les deux années qui suivent, allant danser ensemble, se retrouvant au cinéma, à la patinoire ou dans des cafétérias, louant des gites à dix ou quinze pour passer des week-ends amusants où on joue à des jeux de société, fait du sport le matin et cuisine ensemble. Elles se passent des fiches de régime, échangent des vêtements et comparent leurs maquillages bon marché. Encouragée par ce sentiment fort de l’amitié partagée, Laure devient presque jolie : elle est certes un peu petite mais elle a perdu du poids et grâce aux conseils reçus, elle s’habille mieux et se maquille joliment. Elle joue de ses atouts : ses mains sont gracieuses, son sourire est chaleureux, des cheveux nouvellement colorés de mèches plus claires, mieux coiffés. Elle porte du bleu et du gris car ces couleurs lui vont bien et elles jouent sur des notes de couleur. Elle noue autour de son cou en hiver des écharpes rouges ou jaunes, laquent ses ongles de couleurs inattendues pour sortir et se parfume à peu de frais en forçant sur la vanille et le muguet qui sont des signes de fraicheur et de jeunesse. Elle s’inscrit à un cours de gym douce puis se met à courir le matin avec deux amies. Elle va bien. Elle va même très bien. Au magasin, elle est devenue experte dans la composition de bouquets raffinés où elle a l’audace d’ajouter des éléments incongrus : grosse coccinelle en plastique, ourson en peluche, figurines de terre ou étoiles en papier argenté. On adore ses idées et son patron, d’abord jaloux de sa créativité, ne peut que se féliciter de l’avoir comme employée car, grâce à elle, sa clientèle augmente. On veut de nouveau le bouquet naissance bleu et blanc enveloppé de papier or ou le centre de table mariage où dominent les grands lys blancs. On aime aussi lui donner des idées et elle garde sa créativité pour une soirée où toutes les décorations florales seront blanches ou mauves ou encore pour un cocktail où devront dominer dans les bouquets le rouge et l’orange.

Dans cette période harmonieuse qu’elle traverse, Laure oublie son corps. Plus d’amants gémissant au lit, plus de demandes avec cette voix que le désir change et qu’elle déteste, plus de main sur ses seins pour les pétrir et lui demander si c’est bon, plus de bouche suçant l’un après l’autre ses mamelons pour les rendre saillants. Et pas non plus de suggestion comme celle d’enlever sa culotte, de s’allonger et d’ouvrir les jambes. Sans parler des autres…

Il reste en fait ce qui pour elle est le vrai corps : celui qui permet de se lever, d’aller travailler, de prendre des poses, de s’alimenter, de se délester. En somme, dans ce cas-là, tout est à sa place : la bouche, les yeux, le nez et les oreilles remplissent leurs rôles. Le buste, les jambes et les bras en ont d’autres à tenir et ils le font. La poitrine se fat oublier et l’entrejambe est limité à ses fonctions basses. C’est bien ainsi.

Quelques amies de Laure tentent de lui faire remarquer qu’elle se transforme en petit soldat. Elle est devenue jolie mais au lieu de s’ouvrir au temps des caresses et de l’amour, elle se replie sur elle-même. La jeune fille ne s’offusque pas mais rit doucement en disant que rien n’est vrai.

Plus prosaïquement, Christian et Marie tentent de la sonder : à son âge on peut faire des expériences à condition d’être prudente. Cela peut vous construire psychologiquement et sexuellement et ce n’est pas à négliger. Le mieux selon eux est une vraie rencontre amoureuse où le don de soi trouve son épanouissement. Bien sûr, ils ne sont pas des modèles et ils ont l’un et l’autre connu un échec matrimonial mais ils se sont trouvé et s’entendent bien. Léo, épanoui et rieur, en est la preuve formelle. Et puis, qui sait, elle va peut-être trouver d’emblée un compagnon stable. Si l’erreur est humaine, rien ne dit qu’elle est transmissible. Elle est jeune, elle a la tête sur les épaules. Alors, elle peut trouver un homme bien.

Laure répond qu’elle est d’accord. Elle se veut prudente et réfléchie : il est donc normal qu’elle prenne son temps. Ses parents, soulagés, lui font promettre qu’elle trouvera quelqu’un qui l’aime. Elle promet.

Quelques jours plus tard, Laure dit à ses amies proches qu’elle a fait un rêve très intrigant : elle était sur une terre rouge et friable qui se séparait en deux. Elle était sur une ligne de fracture et ne savait vers quel côté verser. A droite, le sol semblait solide tandis qu’à gauche, il était meuble. Au moment de se porter à droite, elle a senti que le sol tremblait et elle a été déportée vers la gauche. D’emblée, ses pieds se sont enfoncés dans une terre fangeuse et instable et elle a cru se faire engloutir. Mais, à sa grande surprise, rien de tel n’est arrivé : le terrain meuble sur lequel elle s’était retrouvée s’est brusquement durci. Il est devenu une belle terre nourricière où se sont mis à croître à une anormale vitesse, des iris, des lys et des glaïeuls, le tout composant un magnifique paysage visuel et sonore. Car les fleurs, en jaillissant, faisaient des bruits délicats : ceux de l’éclosion. Bientôt, elle a compris sa présence sur cette portion de terre car un homme venait à elle. Il était vêtu de noir et avançait masqué. Oui, une sorte de cagoule qui dérobait son visage….Elle n’a pas eu peur du tout. Du reste, quand on est chez le magicien d’Oz, pourquoi avoir peur ?

Quant au côté qui semblait stable, il s’est totalement désagrégé. Une chance qu’elle ait été déséquilibrée dans le bon sens.

Ses amies, intriguées, s’étonnent de ce rêve étrange et lui en demandent la signification : laure répond simplement qu’elle va mettre cartes sur table. Le paysage, c’est sa vie, la fracture aussi. Le côté choisi par inadvertance, c’est son futur. Qu’il y ait beaucoup de fleurs partout ne surprendra personne puisqu’elle est fleuriste. Quant à l’homme masqué, il est son amour à venir. Ne lui a-t-on pas demandé d’en avoir un ? Et bien son rêve est significatif : il vient.

Médusées, ses amies ne disent rien. Cette petite spartiate de Laure les intrigue : aurait-elle raison ? Le temps le dira et si la jeune fille a menti, elles riront.

Le fait est qu’elles n’en auront pas l’occasion car il vient effectivement, l’homme attendu, si ce n’est que dans la vie réelle, il avance sans masque.

La première entrevue donne le ton :

- Une fleuriste imaginative existerait-elle à Romorantin ?

Il est dix sept heures. Le magasin est désert et on est mardi. Il ne reste plus qu’une heure avant la fermeture et la jeune fille rêve déjà à la douche chaude qu’elle va prendre. C’est un jeudi de semaine en novembre, et dans la ville un peu triste où elle vit, il n’y a pas grand-chose à faire mais elle appellera l’une puis l’autre de ses amies et ainsi se sentira entourée. L’homme qui entre la dérange un peu d’autant que ce jour là son patron est absent et qu’elle profite de sa liberté.

- Alors ?

- Je suis imaginative, oui, je crois mais tout dépend de vos attentes.

Il peut avoir trente cinq ou quarante ans. Il est grand et fort sans être corpulent et son visage sans être d’une grande finesse de trait est assez harmonieux. Les yeux sont clairs, d’un gris-vert assez déroutant, le nez droit est un peu trop large à la base et la bouche aux lèvres charnues est ouverte sur un sourire froid. L’inconnu porte un pardessus sombre et une écharpe rouge manifestement coûteuse. Elle note qu’il est un peu décoiffé mais n’en est pas surprise car le temps est très mauvais, comme souvent dans la région. Il pleut violemment. Des mèches blond cendré sont encore humides et tranchent par leur apparence avec le reste de la chevelure plus disciplinée. C’est un homme qui a de l’allure, il n’y a pas à dire.

-Je passe souvent des week end dans une propriété que j’ai à une vingtaine de kilomètres d’ici. Il y a un fleuriste plus près de chez moi qui me sert habituellement mais je me suis laissé dire qu’ici, on était doué. Je veux des compositions : chemin de table pour vingt six personnes, et des bouquets de tailles variées pour décorer diverses pièces dont des chambres : blanc, rouge, noir, or, vert  Je ne veux que du vert sapin. Vous pouvez faire  ça ?

Elle acquiesce mais vois assez mal ce qu’il veut et lui présente un catalogue de photos et de prix devant lequel il tergiverse beaucoup avant de déclarer qu’il veut des créations nouvelles et pas la reprise de modèles. Laure propose un arrangement immédiat et l’idée lui plait. Elle réalise, silencieuse et concentrée, une composition florale de belle taille avec des asters, des roses rouges, des branches de sapin et des éléments décoratifs or et noir. Il fronce les sourcils. Elle introduit des branches de coton et une tige de bambou, redistribue le nombre de fleurs et enlève les branches de sapin. L’ensemble est élégant et inattendu. L’homme hoche la tête et lui adresse un sourire froid tandis qu’il la scrute. Surprise, elle ne baisse pas les yeux. Simplement contente de se montrer douée, elle profite de l’instant. Quand l’homme donne d’autres thèmes de composition, elle prend note et l’écoute dire qu’il reviendra le lendemain. Bien sûr, elle aura préparé d’autres modèles, celui-ci étant retenu à plusieurs exemplaires. Au moment de partir, l’homme sort sa carte de son pardessus et la lui tend. En la prenant, elle touche sans le vouloir un de ses doigts. Cet innocent contact la bouleverse et brusquement elle fixe l’homme qui lui rend son regard. Comme par magie, lui revient son étrange rêve et l’image de l’homme masqué. Dans le même moment, elle fait le lien entre l’un et l’autre. C’est une prémonition : Il va avoir de l’importance. Maintenant, à en changer par sa stature et son autorité, il n’est pas sûr du tout qu’il soit le gentil amoureux que ses amies et sa famille attendent pour elle.

Il s’appelle Hubert Valentin, patronyme théâtral qu’elle voit s’allonger sur le petit bristol qu’il lui a tendu. Il est antiquaire à Paris.

Antiquaire, pas brocanteur.

En somme, il vend de belles choses coûteuses tandis que dans cette ville de province souvent pluvieuse, elle vend des fleurs.

- A demain, mademoiselle

- A demain, Monsieur.

IL lui adresse un sourire incompréhensible avant de partir. De lui, elle garde l’image d’un homme qui sort de la jolie boutique pleine d’anthurium et de roses, rencontre le mauvais temps et serre contre lui le grand bouquet qu’elle vient de créer.

 Trente minutes plus tard, elle est chez elle et se déshabille. Sous la douche, ses seins qu’elle trouve trop volumineux deviennent plus sensibles et leurs pointes s’érigent voluptueusement. Laure se sentirait presque excitée physiquement si elle en juge par la douce tiédeur suintante de son entrejambe mais elle coupe court à tout cela et s’habille chaudement. Puis, elle papote au téléphone.

Le lendemain, l’homme vient à la même heure et regarde avec intérêt les propositions faites par la jeune vendeuse. Il est d’accord sur tout, à deux ou trois détails prêt et le patron de Laure n’en revient pas d’une telle vente d’autant que l’homme règle en liquide et sans faire d’histoire en donnant toute assurance de nouvelles commandes. De nouveau, il prend congé ; de nouveau, il lui sourit froidement puis affronte le mauvais temps. Ne pouvant porter seul, les quatre compositions qu’il vient d’acheter, il est assisté du patron qui, obséquieux, l’accompagne à sa voiture. Laure ne regarde pas la vitrine mais les fleurs de l’arrière-boutique qui lui serviront, elle en est sûre, à des créations originales qui lui plairont. Des créations plus maléfiques car c’est ainsi qu’il aime les fleurs, elle le comprend bien. Il faudra donc qu’elle se plonge dans leur symbolique et aille bien au-delà de ses cours et des commandes simplistes qu’on lui fait ordinairement. Quelques semaines passent où l’homme ne reparait pas. Trois en tout. Laure compose pour chacune d’entre elle un bouquet d’abord mental, puis réel.

Le premier est tendre : le gardénia qui dit « je t’aime en secret », jouxte le glaïeul jaune qui invite à l’amour. Elle y ajoute des lys jaunes qui disent son contentement à aimer, et des roses des Alpes car elles signifient qu’elle veut mériter celui qu’elle aime. L’esquisse qu’elle a faite lui semblant ravissante, elle ose le créer vraiment et il s’avère ravissant. Pour parachever son travail, Laure entoure l’ensemble d’un tressage de lierre fin et solide suggérant la confiance. Et puis elle joue sur quelques rubans blanc et rose car, s’avouant peu éprouvée en amour et en sexe, elle préfère dire sa mièvrerie. Ce premier bouquet, fait, il est vrai, de fleurs qu’on ne peut plus vendre, est pour elle d’une émouvante beauté et pour cette raison, elle l’emporte subrepticement chez elle, le regarde et le respire. Il est parlant et si touchant…mais sans objet car rien ne se passe. Cet homme que Laure voudrait voir revenir dans la boutique semble avoir disparu.

Privé de lui, Laure dépérit. Il est donc temps d’inventer un second bouquet.  Celui-ci lui coûte plus cher car mettant en avant un vague prétexte d’une cousine fiancée, elle achète la plupart des fleurs ; ainsi acquiert-  t’elle des pivoines rouges, des roses musquées et de renoncules orange. Elle y exprime le désir fou qu’elle a de lui et le besoin d’être choyée, la violence de la passion et le désir d’être à lui longtemps. En somme, elle se donne mais en le temps où elle est, jeune, un peu naïve et isolée, elle ne le sait pas. Du reste, elle ordonne le tout autour de branchages fins et aérés.et enveloppe le tout de papier rouge fermé de rubans d’or. Comme la fois précédente, elle est émerveillée de sa création et désolée que celle-ci ne parvienne pas à son destinataire. Chez elle, elle l’installe en place  d’honneur, sur un petit guéridon face à son lit, pleurant et riant en même temps. C’est si beau qu’il ne peut qu’être touché, la naïveté de Laure allant jusqu’à croire en la télépathie.

La troisième semaine convainc Laure que rêver ne suffit pas. Alors, elle va créer un troisième et ultime bouquet. Loin des fantasmagories coûteuses des deux premiers, elle veut, cette fois, des fleurs accessibles et choisit la tulipe, banale certes sous ses latitudes mais pleine de surprises. Après réflexion, elle choisit  de mêler à la blanche qui signifie l’amour extrême et idéalisé à la jaune dont la symbolique renvoie à un l’inquiétude que ressent un être désespérément amoureux. Et puis, pour parachever l’ensemble, elle adopte la noire et la multicolore qui sont contradictoires. Car la noire signifie qu’elle est en souffrance car en état d’amour intense alors que l’autre exprime l’extravagance du sentiment amoureux et sa variété.

A –t’elle déjà dit cela ?

Non

En tout cas pas directement et comme elle est certaine de la beauté de l’objet crée tout autant que de son intention, elle utilise le petit bristol qu’a tendu lors d’une soirée froide et pluvieuse, Hubert Valentin. Entourant le bouquet de papier d’un papier kraft rustique, elle le ceint de ficelles vertes et ne joint pour commentaire que son prénom et son adresse de travail. L’envoi est serein. Limpide, calme, elle espère.

La réponse frappe par sa rapidité. Non seulement, le réceptionnaire du cadeau est ravi de l’attention mais il tient à remercier la jeune instigatrice. Inondée de bonheur, Laure apprend qu’elle sera invitée à diner. La date et l’heure sont précisées ; quant à l’adresse et au téléphone, elle les connaît déjà.

Les jours qui préludent à la rencontre, elle ne se défend pas de quelques doutes concernant son apparence physique et sa tenue vestimentaire. Elle va rencontrer un homme qui vit dans un milieu différent où l’argent n’est pas un problème. Pour elle et ceux de sa vie, il en est un et depuis toujours. Alors, il faut face et ressembler à sa provocatrice offrande. Avoir les cheveux bien lavés, séchés au séchoir et bien coiffés ne suffira pas. Il faudra manger peu pour être un peu moins ronde, s’épiler les sourcils et se bien maquiller sans compter le soin qu’il y aura à apporter à sa tenue : jupe et corsage noirs, sous-vêtements discrets, collants. Peu de bijoux mais évoquant les fleurs.

séchage au séchoir, épilation des sourcils et des aisselles ne suffiront pas plus que des onguents sur son corps. Il faudra maigrir un peu, trouver une jolie lingerie  et une façon gracieuse de se maquiller. Et tout cela en si peu de temps ! Sans compter cet ensemble noir qu’elle aimerait pour la circonstance et qu’elle trouve assez seyant ! Elle le  portera d’abord sous un gros manteau car dans la frêle voiture et Christian ont acheté pour elle afin de l’aider, elle n’est pas favorisée en chauffage…Enfin, cela devra suffire.

La maison de l’hôte est éloignée ; à peine, c’est vrai mais que de routes de campagne, mal éclairées et mal fréquentées ! Laure, simple et pure, suit la ligne qu’elle s’est tracée et au fond, tout est assez simple : se faire belle, aller vers cet homme et se souvenir de cet envoi de bouquet.

Par Maitre Gone6 - Publié dans : Bienvenue - Communauté : Arts érotiques
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